Cycles de motets de la Renaissance – Entre dévotion et liturgie

En 2014 Dominique Vellard a été sollicité par la Schola Cantorum Basiliensis pour travailler, avec les musicologues Agnese Pavanello et Daniele Filippi sur un sujet musicologique encore peu exploré : les « Cicli motetti », forme présente dans plusieurs sources européennes et notamment au Duomo de Milan. Pendant 3 ans, il a plongé dans ces répertoires avec ses étudiants de la Schola, associant le son aux sources, la pratique à l’analyse.

Vidéo réalisée par le philtre

Quelques réflexions qui se sont fait jour dès le début de cette recherche sur les « Motetti missale » :

Il paraît probable que les différentes sections de ces cycles soient pensées comme une œuvre devant être entendue dans leur continuité (chaque cycle dure environ 20′)
Il y a très nettement une volonté d’unifier et de développer des idées musicales pour former un ensemble cohérent. David Fallows, dans une présentation discographique de la Missa « Hodie nobis de virgine », parle d’une évolution consistante (et conséquente) du matériel musical d’un mouvement à l’autre.

• Ces cycles sont liturgiquement définis : pour la Vierge, pour la Nativité, pour l’Assomption, pour la Passion… Cependant, les textes ne sont pas liés directement au déroulement de ceux de la messe, sauf pour le Sanctus dans la Missa « Hodie nobis de virgine » et pour la section Ad ou Per elevationem dans toutes les messes ; parfois cette section qui coïncide avec l’Elévation, se situe dans la partie « loco Sanctus » (en place du Sanctus) avec les points d’orgue caractéristiques.
• Dans un même cycle, les textes peuvent être relié, par exemple dans tous les incipits des sections de la Missa « in Assumptione » : Gaude, flore virginali, Gaude, sponsa cara Dei …
• La modalité et les tessitures vocales sont unifiées.
• Le style contrapuntique, les thèmes et l’utilisation des signes de mesure sont souvent aussi en relation.

Il semble que les différents mouvements n’ont pas pour fonction de se substituer aux différentes sections de l’Ordinaire et du Propre de la messe. En effet aucune différenciation ne semble voulue par le compositeur : même style pour un Introït, un Credo, un Offertoire ou un Deo gracias.

Action rituelle / Action dévotionnelle

Je ne vois pas pour le moment d’autre possibilité que d’utiliser ces motets comme une entité cohérente.
On peut envisager la possibilité d’un déroulement parallèle, en un même lieu, d’une action rituelle à l’autel –messe célébrée par le prêtre et quelque assistant, enfant ou diacre…– pendant que l’ensemble des chanteurs interprète les différentes sections du cycle, apportant ainsi à la célébration une nouvelle dimension dévotionnelle et artistique.

Le prêtre et l’effectif choral s’arrangent pour coordonner leurs actions, tout spécialement au moment du Sanctus et de l’Elévation.
A première vue (puis nous l’avons expérimenté), la durée des motets et la récitation des différents textes de la messe permet cette coordination.
Ce genre de cérémonies votives « dévotionnelles » ne se substitue pas aux messes solennelles où les différentes parties du Propre et de l’Ordinaire sont chantées en plain-chant ou en polyphonie.
On se trouve ici face à une autre perspective liturgique : messes votives, elles ne sont pas nécessairement chantées dans le chœur de l’église, elles peuvent prendre place en dehors des horaires réguliers des messes et des offices.

J’aurais tendance à les considérer comme une sorte de récréation spirituelle adaptée à certaines fêtes ou fondations spécifiques.

Dominique Vellard – septembre 2014

Ensemble Cantus Figuratus

Schola Cantorum Basiliensis
Superius : Perrine Devillers, Grace Newcombe, Yukie Sato
Altus : Roman Melish, Florencia Menconi
Tenor : Ozan Karagöz, Akinobu Ôno, Giacomo Schiavo
Bassus : Rui Stähelin, Valerio Zanolli
Violon Renaissance : Félix Verry
Violes Renaissance : Randall Cook, Anna Danilevskaia, Sophia Danilevskaia, Filipa Meneses.
Direction Dominique Vellard

Enregistrement de concert fait en 2016.
Cliquez ici pour en savoir plus